HISTORIQUE à l'occasion du 100ème anniversaire [Jean-Louis Romanens]
L'ancêtre de la société
Un écrit datant de 1960 de la main de M. Aimé Ayer laisse entrevoir que la première ligne de tir était située à Montcholin au pied du Gibloux. Aucune installation fixe n'y était aménagée, mais c'est à cet endroit que les pionniers du tir de Sorens lâchaient leurs premiers "pruneaux" à même l'herbe et sur des cibles mobiles de campagne. Le cibarre caché dans les taillis avoisinants était invité à marquer les coups au son du cor. C'était là les débuts du tir à Sorens, l'une des seules distractions de la fin du 19ème et du début du 20ème siècle.
Fondation de la société
Au début du 20ème siècle, seize hommes de Sorens décident de fonder une société de tir au village et d'aménager une ligne de tir plus confortable. Avec le dynamisme, l'enthousiasme et le patriotisme qui animaient les gens de l'époque, la société est fondée en 1901. Le stand de tir sera inauguré en 1907 à son emplacement actuel.
Les présidents
Le président fondateur en 1901 sera Joseph Ropraz de Cudré, il restera probablement à la tête de la société jusqu'en 1919, soit 19 ans. Le premier secrétaire en est Joseph Meillaz.
De 1920 à 1931, Pierre Gobet du "Fou" conduira aux destinées des tireurs de Sorens. Il démissionnera en 1930, un nouveau comité est élu le 2 mars et démissionne en bloc le 30 mars. Il rempilera et c'est finalement en 1932, que son remplaçant Aimé Ayer est nommé, il présidera la société jusqu'en 1935. Henri Gay lui succédera en 1936 et abandonnera sa fonction l'année suivante, laquelle sera reprise par Aimé Ayer pour 2 ans.
En 1940, Maurice Emery prend les rennes qu'il conservera jusqu'en 1947. Puis trois tireurs se succéderont pour des périodes de 3 ans Désiré Ropraz de 1948 à 1950. Emile Ayer de 1951 à 1953 et Jules Tornare de 1954 à 1956.
En 1957, Théodore Romanens préside la société, poste qu'il occupera jusqu'en 1965, lequel sera repris en 1966 par le regretté Michel Sauterel pour 24 ans. De 1990 à 1996, Jean-Louis Romanens assume cette tâche.
Dès 1997, l'actuel président André Scheurer conduit aux destinées de la société.
La société de tir en 1937 – A l'occasion du Tir cantonal de Guin L'on reconnaît :
De gauche à droite : A genoux : Pierre Badoux, André Romanens, Henri Gay, Maurice Emery, Jules Tornare, Emile Kolly
Debout : Louis Sottas, Félix Morard, Joseph Philipona, Edmond Magnin, Paul Badoud, Gustave Frossard, Joseph Romanens de Séraphin, Jean Romanens, Joseph Sauterel, Emile Ayer, Désiré Ropraz, Louis Allemann, Aimé Ayer, Charles Dumont, André Ducret, Albert Kaeser, Oscar Ropraz et François Kolly
L'ambiance, les décisions, les anecdotes
En 1927, à l'assemblée du 6 mars, une décision est prise d'indemniser par frs 10.- un membre qui n'a pas pu tirer lors du tir en campagne du fait qu'il n'avait pas été inscrit. Ensuite, l'on décide de faire un petit sacrifice pour encourager le tir individuel et ainsi rivaliser avec les autres sociétés. Pour stimuler ce genre de tir, il est décidé de mettre en place des mentions de sociétés.
Cette même année dans une assemblée du 27 mars, le secrétaire Gabriel Marchand rapporte alors qu'il s'agit de prendre une décision pour le concours fédéral en stand "Sur ce chapitre, l'on a du mal de se mettre d'accord, parce qu'à Sorens on a peur de se déranger et de faire un petit sacrifice parce que le bénéfice en revient à la caisse de la société. On ne veut absolument pas à Sorens chercher à améliorer le classement de la société lors des concours. Après divers explications du secrétaire, l'on passe au vote. Quel spectacle!, sur environ 80 membres, on récolte 19 non et 14 oui, c'est vraiment beau, et le reste des votants où est-il. Il n'y a pas besoin de demander où l'on se trouve, car on reconnaît tout de suite l'énergie fribourgeoise ou l'on est fort que pour crier dans les coins et lorsqu'il est question de dire son mot, l'on a peur. Pourtant, je n'ai jamais ouï dire que chacun n'avait pas le droit d'émettre son opinion dans notre soicété et j'espère qu'à l'avenir, il en sera autrement".
L'assemblée du 29 mars 1929 décide de pénaliser d'une amende de 50 cts les personnes qui arrivent en retard à l'assemblée. Au cours de cette même séance, un vote est organisé sur l'obligation de participer au loto. Cette proposition est rejetée.
Lors de la réunion du comité le 3 avril 1933, à l'ouverture des soumissions pour la place de chef cibarre, une seule candidature, celle d' Anselme Bovigny qui recevra frs 4.- par dimanche et ses cibarres frs 2.-.
Le 30 avril 1933, une plainte est déposée contre inconnu pour vol par effraction de douilles et de cartouches.
Le 30 août, le résultat de l'enquête menée par le gendarme Andrey est connu, il s'agit de 4 garçons qui reconnaissent avoir pris les douilles, mais pas les cartouches. Le comité décide de leur demander de verser une indemnité de frs 50.- à la société. Ce montant sera finalement réduit à frs 40.- sur demande d'un des parents.
En séance du comité du 27 février 1936, le secrétaire Joseph Sauterel reçoit la charge de l'édition d'un cahier d'histoire de la société en collaboration avec le Curé Terrapon. Ce cahier n'a probablement jamais vu le jour du fait qu'aucune mention n'y est faite dans les procès-verbaux suivants.
L'assemblée du dimanche après-midi 1er mars 1936 prévoyait la nomination du comité, plusieurs membres proposent que le comité en place soit réélu, ce dernier refuse. En fait, il est démissionnaire dans son intégralité du fait que l'assemblée vient de refuser une augmentation de la cotisation de frs 1.- à frs 1.50. 17 candidats sont proposés, aucun n'obtient la majorité absolue. Comme l'heure avance et que plusieurs membres doivent retourner chez eux pour le travail, la séance est levée et une nouvelle assemblée est convoquée pour le 5 mars, laquelle permettra, après quelques discussions assez tendues d'élire un nouveau comité. Un président est nommé en la personne d'Edmond Magnin qui refuse sa nomination. Finalement, c'est Henri Gay qui est élu à ce poste.
En 1951, une décision du Col Furst, président de la commission de tir appuyé par le Dpt militaire oblige la construction des pare-balles au stand.
En assemblée du 20 mars 1956, le curé Dubey invite les tireurs à renoncer à leur sport durant les Offices du dimanche. Ce qui est contré par plusieurs tireurs du fait qu'une messe est célébrée avant les tirs le matin et que celui qui veut remplir son devoir dominical peut le faire à cette première messe.
En 1967, Michel Beaud et René Ducret fonctionnent comme secrétaire et caissier du tir obligatoire. Un tireur récalcitrant de Vuippens qui doit payer l'amende pour son absence à l'assemblée annuelle refuse et les menace d'un pistolet. René Ducret ne perd par son sang froid, il lui rétorque "Tu peux tirer, tu payeras quand même". Leur agresseur désarmé par ses paroles finit par régler son dû et accomplit dans le calme son tir.
En 1973, pour la première fois, 4 jeunes filles fréquentent le cours de jeunes tireurs.
La bénédiction de la bannière
Le dimanche 21 juin 1931, tout le village de Sorens est en fête. La société fait bénir sa bannière.
La fête avait été préparée par un comité d'organisation composé de :
Pierre Gobet, président
Gabriel Marchand, secrétaire
Edmond Magnin, caissier
Félix Morard, J. Philipona, Raymond Allemann et Aimé Ayer, tous membres du comité de la
société; auxquels s'étaient joint le curé de l'époque Joseph Terrapon et le régent Philémon
Marro.
Au cours de la préparation, le procès-verbal des séances de comité laisse entrevoir quelques difficultés dans la décision et le pouvoir qu'exerçaient certaines personnes sur la communauté.
A ce sujet, un passage du procès-verbal de l'assemblée extraordinaire du 1er septembre 1929 rapporte les déclarations du curé Terrapon lorsqu'il était question d'un vote à bulletin secret, je cite "M. le Curé répond que l'on doit avoir quand même confiance les uns les autres". Par la suite l'on procède à deux votes un à mains levés avec 31 oui et 13 non et un deuxième à bulletin secret avec 31 oui, 12 non et 1 blanc. Lors de l'assemblée du 12 avril 1931 qui se détermine sur le choix du drapeau, nouvelle intervention du curé qui a la teneur suivante "M. le Curé déclare qui si l'on veut regarder au goût de chacun on aura autant de drapeau que de membres et qu'il faut en choisir un".
La bannière avait été dessinée par M. le professeur Plancherel du Technicum de Fribourg, Il en décrit les motifs comme suit : "Une banderolle portant le nom "Société de Tir, Sorens, l'écusson fédéral, puis les dates 1901-1931, les couleurs fribourgeoises, puis la grue volante, dans un angle, quatre étoiles représentant les quatre communes appartenant à la société Sorens, Gumefens, Vuippens et Avry-dt-Pont, puis l'emblème des carabiniers, la cible et l'arbalète. Le tout s'harmonise merveilleusement, autant par les proportions que dans les couleurs". Il est vrai que ce drapeau était magnifique.
Les parrain et marraine avaient été choisi parmi les hautes personnalités de l'armée et du tir puisque le Colonel de Diesbach, commandant de la IIème division et Madame Peyraud, épouse de M. Raymond Peyraud, président de la commission de tir qui sera plus tard président cantonal parrainaient cet emblème.
Les parrain et marraine ainsi que le comité entourent le nouveau drapeau
Notre bannière fièrement portée par notre président d'honneur Aimé Ayer défile lors du tir cantonal de Bulle en 1947
Les manifestations et les anniversaires
Aucun procès-verbal ne rapporte de cérémonie pour le 25éme anniversaire.
Comme la bannière avait été bénie en 1931, il a certainement été fêté avec quelques années de retard.
En 1951, les procès-verbaux sont muets au sujet de la commémoration de cet anniversaire.
En 1976, présidée par le dévoué Michel Sauterel, notre société organise un tir et une fête villageoise sur la place du stand. Ces manifestations connaissent un vif succès. La société vit ces années-là dans une ambiance euphorique, elle remporte plus d'un succès notamment aux tirs du giron du Gibloux.
Organisée probablement depuis 1961-62, la soirée des Rois fixée au 6 janvier dans ses débuts et au samedi le plus proche par la suite, permet aux tireurs de passer des jolies moments de détente. Elle est aussi l'occasion pour les
tireurs de se rencontrer avec leur compagne et est le moment de la distribution des récompenses annuelles et de celles revenant aux tireurs méritants.
Durant son existence, nos tireurs participeront à de nombreux tirs fédéraux, cantonaux et régionaux, notamment au Tir fédéral de Fribourg en 1934, plus précisément le mardi 24 juillet avec 23 tireurs. Le déplacement s'est effectué
avec l'autobus de la ligne Bulle-Fribourg
Les tireurs de Sorens sont également montés sur les planches à deux reprises pour y jouer des pièces en patois. La première fois en 1963, les tireurs présentent un drame en 5 actes de Francis Brodard, mis en scène par Louis Romanens de Célien, "Le Chan di brakonyé" (le sang des braconniers).
Une deuxième pièce sera jouée en 1965 du même auteur et sous la direction du même metteur en scène "La Trappa di avorô" (la trappe des avares). De nombreux tireurs y prêteront avec talent leurs dons d'acteur, le rôle principale
sera tenu à chaque fois par Louis Geinoz.
Durant l'hiver 1986-87, les tireurs de Sorens ont à la force du poignet complètement rénové le stand de tir et fait procéder à l'installation de cibles électroniques. Ces travaux ont engagé les tireurs pour environ 1'600 heures de travail.
En 1990, un tir d'inauguration a rassemblé plus de 700 tireurs et a connu un magnifique succès.
Les comptes de la société
Le 6 mars 1927, l'assemblée décide de ne pas prendre part au Tir cantonal de Romont en raison de la situation déplorable de la caisse.
En 1931, lors de la séance du comité du 28 juin, les membres constatent que la fête du drapeau a laissé un joli boni, bien meilleur que celui prévu. Par ailleurs, en janvier de l'année suivante, il est décidé de certaines dépenses, notamment l'installation de sonneries électriques. Ceci laisse à penser que la société avait renfloué quelque peu sa caisse en 1931.
En 1952, l'on peut lire que l'exercice boucle par un bénéfice de frs 317.18 et la fortune de la société est de frs 1'764.-.
En 1958, sous la présidence de Théodore Romanens, la rénovation des cibleries est entreprise. Les 4 communes à savoir Sorens, Avry-dt-Pont, Gumefens et Vuippens acceptent de financer ces améliorations. La facture sera réglée au prorata des habitants.
En 1960, le caissier, instituteur au village, n'a pas rendu les comptes, l'assemblée lui accorde un délai de 1 mois pour le faire. Finalement, tout rentrera dans l'ordre.
En 1976, la fête du 75ème anniversaire permettra au caissier d'engranger un bénéfice de frs 7'987.-.
En 1986, la rénovation du stand et la pose de 4 cibles Sius occasionnent une dépense de frs .155'988.- La commune de Sorens y participe pour frs 50'500.-, celle de Gumefens pour frs 22'0'00.- ; celle de Vuippens pour frs 11'600.- Le solde est supporté par la société.
En 1988, le Tir en campagne laissera un profit d'environ frs 35'204.-.-, il permettra l'installation de 2 cibles électroniques supplémentaires.
En 1990, la fête de l'inauguration du stand et des cibles laissera un bénéfice d'environ frs 16'000.-.
Enfin en 1994, l'organisation du Tir en campagne en collaboration avec l'intersociétés laisse un bénéfice de frs 45'848.-, dont frs 11'455.- garniront la caisse de la société.
La société et la Fédération des sociétés de tir de la Gruyère
Notre société est admise au sein de la Fédération le 9 avril 1911, elle est la onzième société à y adhérer.
Trois tireurs de Sorens ont siégé au comité de la Fédération, M. Wolf de 1913 à 1917, Gabriel Marchand, qui a été secrétaire de la société durant 6 ans, de 1932 à 1935. En 1978, Jean-Louis Romanens entre au comité, il en est actuellement le président.
Trois tirs en campagne seront organisés par notre société, le premier en 1927 pour 5 sociétés de la Gruyère. Puis en 1988, sous la présidence de Michel Beaud et en 1994 dirigé par Denis Romanens, deux grandes fêtes de vrais tirs en campagne seront mises sur pied aux Prarys, celle de 1994 en étroite collaboration avec l'intersociétés.
La société de tir actuelle
Actuellement, la société suit son bonhomme de chemin qui lui réserve son lot de satisfactions et de soucis à l'instar de la vie en générale. Ce qui importe le plus, c'est qu'un noyau fort de membres poursuive le chemin tracé par nos ancêtres et s'engage à fond dans l'avenir de cette société qui a marqué qu'on le veuille ou non l'histoire de notre communauté. La célébration du 100ème anniversaire de sa fondation constitue une belle occasion de lui redonner une nouvelle jeunesse. Alors, travaillons ensemble dans ce but pour qu'au début du siècle prochain l'on puisse à nouveau constater la belle vitalité d'un siècle d'existence de plus.